Gino de Dominicis fait un constat : si l’Homme sait nager alors que ce n’est pas un poisson, il n’y a pas de raison, qu’avec le temps, il ne réussisse pas aussi à voler. Il filme alors ses tentatives désespérées pour apprendre à voler.
On le découvre, silhouette noire anonyme, androgyne et intemporelle, dressé en haut d’une montagne, parmi les buissons sauvages. Il fait un geste immédiatement reconnaissable : il ouvre ses bras, écarte les doigts, prend de l’élan, et commence à battre de ses bras-ailes, puis saute. Suspendu dans les airs, il retombe sur le monticule de terre. Il remonte sur son rocher, et retente l’expérience, encore et encore. Il y a un aspect cyclique et répétitif à sa prestation, que la vidéo permet de rendre immortel, accentué par sa lecture en boucle.
L’artiste explique qu’il répète cet exercice depuis trois ans, et il semble accepter le fait de ne jamais atteindre son objectif. Mais s’il arrive à persuader un de ses fils de continuer l’entraînement, qui arrivera à persuader à son tour son fils, et ainsi de suite, peut-être qu’un de ses descendants découvrira un jour qu’il peut voler. Cette obstination qui donne à sourire même celui qui a mis de côté son scepticisme n’est pas renié par l’artiste.
Cette tentative de vol se questionne aussi sur l’animalité de l’humain, qui subit comme les autres animaux les lois de l’évolution naturelle.
La vision de l’humain, en haut de sa montagne, forme une part de sa mythologie personnelle, un autre Sisyphe, un éternel recommencement. Celui-ci est condamné à faire rouler jusqu’en haut d’une colline un rocher qui retombe inlassablement avant de parvenir au sommet. Grâce à son art, Gino de Dominicis gagnera son combat contre le temps, il apprendra à voler. Il réalise ce désir farfelu que tant d’autres ont rêvé. Que ce soit désir de fuite ou envie de légèreté, cette exaltation liée au vol révèle la part utopique des êtres, récit universel s’il en est.