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Sirki

<i>Sirki</i>

LABBE Boris, Sirki, 2018, film

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Sirki est une série de quatre vidéos d’environ deux minutes. Sur chacune des vidéos nous voyons des motifs colorés s’animer sur un fond noir. “Sirki” veut d’ailleurs dire “motif” en langue Aïnou, ce peuple autochtone du nord Japon et d’une partie de l’actuelle Russie, que Boris Labbé a pu rencontrer lors d’une résidence de création à Hokkaido en 2018. Les quatre films d’animation intitulés tour à tour Ruunpe , Tetarape , Ciciri et Kaparamip font référence à différents types de kimonos Aïnou dont les motifs s’animent comme mus par les chants traditionnels Aïnou Ukouk interprétés a capella , seuls des clappements de mains accompagnent le rythme donné par des voix féminines.
 

À chaque fois donc, un fond noir marque le début de la vidéo. Dans Ruunpe , les motifs colorés qui apparaissent ressemblent tout d’abord à des formes d’écritures, un alphabet que nous ne connaissons pas et dont le sens nous échappe. Puis, les formes se multiplient et envahissent l’espace de l’image dans un jeu de symétrie, faisant alors penser à un mandala. La caméra semble prendre de la hauteur pour nous permettre de voir l’ensemble de cette prolifération, les formes sont alors de plus en plus petites et deviennent illisibles, voire invisibles. Enfin, tout explose, les motifs se dispersent à l’instar de lettres qui flottent pour s’échapper d’un livre que nous ne verrions pas. Comme souvent dans le travail de Boris Labbé, tout se termine comme cela a commencé. La boucle temporelle rejoue les boucles des motifs.
 

Dans Tetarape , les motifs font davantage références à des formes végétales, sortes d’arabesques qui poussent dans l’espace vierge de l’image. Là encore, les formes se multiplient et prolifèrent, les fines lignes colorées du début deviennent minuscules, quasi invisibles. On a alors l’impression de voir une trame, les fibres d’un tissu, comme si nous regardions de très près les kimonos qui ont inspiré l’artiste.
 

Ciciri est un peu différente des trois autres vidéos. Si on y retrouve la même construction : symétrie, envahissement de l’image, formes organiques, etc.; les motifs quant à eux sont assez singuliers. Des arabesques blanches se multiplient par jeu de symétrie, comme si l’on dépliait des papiers découpés, alors des carpes rouges, si représentatives du Japon, apparaissent et semblent nager entre ces formes laiteuses. Ainsi, les formes abstraites deviennent en quelque sorte des reflets du soleil sur l’eau. Plus il y a de motifs, plus la caméra paraît reculer dans un zoom arrière fictif et plus nous semblons voir le miroitement d’un bassin empli de poissons.
 

Enfin, Kaparamip , toujours dans la même veine, montre des motifs organiques qui partent du centre pour aller vers les bords de l’image. Là, les motifs nous évoquent davantage des formes animales, des vers grouillants ou l’intérieur d’un corps. Si dans les autres vidéos, les images proliféraient de manière horizontale, on a presque l’impression ici qu’elles réussissent à prendre de la hauteur. Dans un jeu subtil d’ombres, l’artiste réussit à créer une sensation de relief qui donne l’illusion de la trois dimension dans l’image. Entre l’Hourloupe de Jean Dubuffet ou le test de Rorschach, à nous de trouver ce que nous avons envie d’y voir.
 

Dans un jeu très subtil de répétitions et de différences, Boris Labbé met en scène des motifs traditionnels inspirés du mode de vie et de la spiritualité Aïnou, connectés avec la nature, pour interroger notre rapport à l’autre et au monde. Le vernaculaire devient ici l’universel. Difficile également de ne pas faire un lien entre le travail de Boris Labbé et les maîtres des animés japonais tels Miyazaki et Takahata.
 



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