Comment arrêter le temps ?
Les œuvres réunies à l’occasion de l’exposition Je cherche un endroit où personne ne meurt jamais gravitent autour du temps. Certaines le traquent, d’autres cherchent à l’éconduire.
Si le temps est l’une des rares choses sur lesquelles l’humain n’aura jamais d’emprise, il recèle aussi un secret dont les anges et les morts sont les gardiens suprêmes. Un secret que même les sculptures et les astres ignorent, et sans lequel le temps lui-aussi demeure une énigme. Les prophètes s’y sont trompés et les églises l’ont sonné en vain. Seuls, peut-être, les philosophes et les poètes s’en sont approchés : l’éternité.
Au temps d’Aristote l’éther était la matière de l’éternité, qui correspondait au monde du ciel, englobant tous les corps célestes. Puis, plus proche de la Terre et de la nature, Spinoza envisageait l’éternité comme la présence en acte et dans sa plénitude, la philosophe Simone Weil la confondait même avec la beauté. Plus proche de nous encore, elle pourrait, selon Emanuele Coccia, jaillir précisément de la substance de nos corps : « chacun des vivants exprime la vie de la planète entière, passée, présente, et future ».
Mais que disent les photographies, les fleurs ou les vagues sur l’éternité ? Que disent encore les histoires légendaires du Pavillon de Vendôme, ses atlantes ou ses décors baroques ? Parmi les œuvres existantes et les créations imaginées spécifiquement pour le musée, les temporalités se multiplient, les mémoires s’agrègent et les pièges visuels se jouent de nos perceptions : les images sont évanescentes, la glace et le feu sont illusoires, les sculptures périssables… La stabilité n’est qu’apparente, l’entropie sommeille et
l’éternité se dérobe. Mais au fond, ne serait-elle pas là, simplement partout, si présente qu’on ne saurait la voir, dans la seule attente d’un regard éclairé pour s’y laisser contempler ?
Commissariat : Mathieu Vabre
Commissaire associé : Wu Dar-Kuen
Oeuvres présentées