S’inscrivant dans la lignée du found footage (Douglas Gordon, Christian Marclay.) à ceci près que les documents exploités sont ici des mèmes (éléments culturels viraux se répandant par imitation) issus de réseaux sociaux, I am your father donne à voir, entre différence et répétition, cette même scène jouée et rejouée par des inconnus.

Si dans un premier temps, on cherche naturellement à s’en reconstruire une image mentale et fidèle par les leitmotive communs à chaque séquence, notre intérêt se déplace rapidement vers les variations, les anomalies et le cadre des tournages. En effet, on s’aperçoit vite qu’il s’agit moins là d’amateurs cherchant à reproduire fidèlement un moment de cinéma, que d’un moment de cinéma si profondément ancré dans l’imaginaire collectif qu’il s’insère et s’immisce dans le quotidien de personnes se retrouvant finalement à le ventriloquer telles des marionnettes. Ces personnes, au-delà des générations et des classes sociales, spectralisent cette scène et provoquent ce que Bernard Stiegler qualifie de revenances. Et c’est cela qu’I am your father ambitionne d’offrir : un voyage, tour à tour drôle, attendrissant ou dur, au cour d’une intimité hantée et dévoilée à tous, et qui fait écho à notre propre imaginaire – car c’est aussi en nous, indéniablement, que se produisent ces revenances.