Cette sculpture se veut le premier monument aux morts destiné aux pertes techniques lors d’opérations militaires. Le titre, explicite, s’inscrit dans une installation en trois temps, « In Times of Peace », qui s’interroge sur la vie des armes de guerre hors du champ de bataille.
Drone Memorial est une sculpture faite de miroirs, reproduction d’un drone modèle “Predator”, l’un des principaux véhicules aériens sans pilote déployés par l’US Air Force et la CIA. Positionné à la verticale, le drone semble tomber dans un bloc de cuivre, comme arrêté en pleine chute. Sur les ailes sont gravées des coordonnées et des dates de chute de drones tombés au combat. Les surfaces réfléchissantes qui forment la carcasse du drone renvoient un reflet fracturé, qui camoufle presque l’oeuvre dans son environnement.
Positionnant comme victime ce qui est habituellement considéré comme perte matérielle, le collectif nous interroge sur notre rapport affectif aux objets connectés, qui n’étonne plus dans la sphère domestique. Il matérialise aussi l’existence physique de ces drones qu’on ne voit pas, dont l’existence se déroule dans les airs, bien plus grands que la plupart des drones à usage civil.
Bien sûr, en glorifiant ceux qui oeuvrent à la destruction humaine, le collectif se positionne dans une démarche politique. Les victimes collatérales dues à l’utilisation de drones ont augmenté de manière considérable depuis 2009, notamment dans les régions du Yémen, de la Somalie et du Pakistan.
Les artistes assument aussi pleinement le côté absurde de l’oeuvre, en utilisant un humour mordant, en créant une réciprocité entre l’Homme et la machine. Dans un monde d’après-guerre, si tant est qu’il puisse exister, quel traitement réserver aux armes de guerre ? Puisque la machine remplace l’Humain et cohabite avec lui sur les champs de bataille, elle devrait recevoir les mêmes honneurs dans la vie civile.
Cette oeuvre itinérante se joue des codes du mémorial classique. Un site internet, http://dronememorial.org, permet d’accéder à la géolocalisation du mémorial à tout moment. Dans un pastiche évident de la pratique religieuse, les drones du monde entier peuvent s’y connecter pour s’incliner en direction du monument et faire leur deuil.