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La Chute

<i>La Chute</i>

LABBE Boris, La Chute, 2018, film

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Sélectionné pour la Semaine de la Critique à Cannes en 2018, La Chute est un film d’animation de 14 minutes 22 réalisé à l’encre et à l’aquarelle. Quatre tableaux se succèdent et scindent la narration. Majoritairement en noir et blanc, des touches de couleurs ponctuent l’image et nous aident à lire ces figures qui prolifèrent sans raison apparente. Les subtiles nuances de gris montrent des qualités graphiques indéniables et nous plongent dans une ambiance empreinte de poésie extrêmement référencée.
 


Avant les premières images, la musique nous fait entrer dans l’œuvre. Dès que les premiers dessins apparaissent, des cordes pincées, dissonantes, nous crispent alors même que ce qui est représenté est très beau. Un hiatus se crée immédiatement entre l’image et le son nous donnant à penser que ce premier tableau montrant une nature idyllique, vierge de toute présence humaine, n’en restera pas là. Des formes abstraites en noir et blanc, rhizomatiques, prolifèrent et se transforment en jardin. La couleur émerge et des fleurs géantes qui semblent danser dans un espace sans échelle. La végétation luxuriante tourne sur elle-même comme dans un manège et paraît danser. Très vite, la caméra s’envole et nous montre le ciel dans lesquels des oiseaux de paradis multicolores tournoient. Difficile de ne pas voir là, une référence à la gravure de Gustave Doré illustrant l’arrivée devant l’Empyrée de Dante et Béatrice contemplant la rose blanche formée par les chœurs des anges et des bienheureux (Dante Alighieri, La Divine Comédie, Le Paradis, chant 31). Peu à peu, la caméra nous donne la sensation de redescendre, nous passons par un écran presque noir qui semble, tel un carton, nous amener vers la suite de l’histoire.
 


Nous sommes de retour sur terre. Les premiers hommes ont fait leur apparition. Ils semblent naître de la nature même et vivent en symbiose avec elle. Alors que l’image nous montre l’Arcadie des premiers temps de l’humanité, la musique se fait de plus en plus inquiétante. Des sons stridents se répètent et matérialisent une certaine angoisse. Les premières constructions humaines émergent. Une grande construction, entre le château et la pyramide, évoque peut-être la tour de Babel. Il est néanmoins certain que la séparation d’avec la nature et l’apparition de la culture, semble comme dans la Bible, être davantage une punition que l’affirmation de la supériorité de l’esprit humain. À nouveau, nous sommes entraînés vers le ciel où les oiseaux tournent de manière frénétique. Dans une longue chute, nous retrouvons la terre et entamons le troisième tableau.
 

Tout s’accélère. Il y a de plus en plus de personnages, de plus en plus d’habitations, de plus en plus de couleurs. Mais, la nature semble devenir agressive, castratrice même. Les hommes expriment une certaine détresse, les bras et la tête levés vers le Ciel, ils semblent l’implorer dans des chorégraphies proches de la transe. Des fœtus géants émergent du sol, leur taille n’enlève rien à leur fragilité. Des hommes allongés au sol, éventrés, se font manger, tel Prométhée par des oiseaux. Les décors évoquent ceux de la Renaissance flamande, Memling, Bruegel et surtout Jérôme Bosch. Nous passons du Jardin des délices aux Tentations de Saint-Antoine. Une impression d’apocalypse se dessine. Les hommes, devenus violents, se battent. Des crânes ponctuent le décor. Les couleurs ont disparu. Des titans monstrueux (entre minéral et animal) dévorent des humains tel le Saturne de Goya. La musique de plus en plus dissonante devient difficile à écouter. Une sensation de malaise envahit le spectateur. Pour la dernière fois, nous nous échappons vers le ciel, le temps d’un court répit, mais les oiseaux semblent coincés par une masse invisible, un cyclone semble se former et nous empêche de voir l’horizon. Puis nous replongeons vers la terre où le plus terrible nous attend, la chute des oiseaux matérialise notre propre chute.
 

La dernière partie de l’œuvre, la plus sombre, tant sur le plan visuel que symbolique, s’ouvre. Nous voyons des scènes de torture (roue, pendaisons, crucifiction), de guerre (des tanks)… Visions d’enfer, scènes d’apocalypse… Tout à coup, un cratère se forme. De cette béance jaillissent des flammes portées par la musique qui s’accélère encore. Nous avons l’impression d’être entraînés sous terre. Là encore, c’est l’iconographie de Bosch qui vient à l’esprit, avec le Jugement dernier. Pas de rédemption possible. Le film se termine par un cyclone dont l’œil nous aspire jusqu’à arriver sur le néant. Un écran noir et le générique commence.
 

Boris Labbé réinterroge les mythes de notre histoire occidentale pour nous donner à voir une vision dystopique de notre condition d’humain. Une fois que nous aurons tout détruit, que nous restera-t-il ? Après la destruction de la nature, plus aucune vie ne sera possible. Rappelons-nous les mythes et les légendes qui construisent notre culture, relisons les textes fondateurs, regardons à nouveau les œuvres des artistes de la Renaissance pour nous souvenir que nous ne sommes pas immortels. Voilà ce que semble nous asséner cette œuvre ô combien sublime.
 



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