« Nous sommes partis explorer la Lune, mais c’est la Terre que nous avons découverte. » Buzz Aldrin
L’espace et la Lune, plus particulièrement, ont toujours été l’un des sujets privilégiés des scientifiques. Dès l’Antiquité grecque, on l’observe et on en déduit une cosmographie en parallèle des mythes. Le premier des astronomes* est sans doute Aristarque de Samos (IIIe siècle av. J .C.) qui dans son traité Sur les dimensions et les distances du soleil et de la Lune fait de notre satellite un outil de mesure, il obtient ainsi les distances relatives du soleil et de la Lune par rapport à la Terre. Ses travaux vont occuper des générations de mathématiciens jusqu’à la Renaissance. « Avec Aristarque, la démarche scientifique se constituait par l’observation, les hypothèses, la géométrie et le raisonnement. »1 Il est le premier a considérer que la Terre n’est pas forcément au centre de l’Univers préfigurant ainsi la révolution copernicienne.
On en restera là pendant des siècles jusqu’à la lunette de Galilée et les premières sélénographies* de Thomas Harriot au tout début du XVIIe siècle. Le XVIIe siècle sera le siècle de la Lune, les astronomes en feront le principal sujet de leurs observations : Riccioli, Copernic, Kepler… On identifie et nomme ses principaux cratères grâce aux progrès de l’optique. On crée des lentilles de plus en plus perfectionnées qui n’auront pas d’équivalent en terme de précision jusqu’à l’introduction de la photographie dans les méthodes d’observation vers le milieu du XIXe siècle.
Puis, l’histoire du XXe siècle, sera celle que l’on connaît. Tout s’accélère avec la révolution industrielle et les technologies militaires mises au service de la science. Comme souvent, ces exploits techniques serviront rapidement à l’industrie civile. Les premiers circuits imprimés d’ordinateurs ont été créés pour aller sur la Lune. On sait l’usage qu’on en a aujourd’hui. D’ailleurs l’ordinateur de bord de la fusée Saturn V qui a emmené Neil Armstrong et ses acolytes sur la Lune n’avait qu’une mémoire de 74kb ! Impensable aujourd’hui surtout si l’on sait que cette fusée est la plus sophistiquée qui n’ait jamais été envoyée dans l’espace. Les milliards dépensés dans l’exploration spatiale peuvent parfois sembler un peu vains. Pourquoi aller si loin alors qu’il y a tant de choses à découvrir sur notre planète. Voilà ce qu’en dit Buzz Aldrin : « Nous sommes partis explorer la Lune, mais c’est la Terre que nous avons découverte. »2 Lors de la mission Apollo 11, pour la première fois, des hommes ramènent des fragments d’un autre astre. Cela nous en a plus appris sur la création de la Terre et de l’Univers que tout autre programme scientifique jusqu’alors. Aujourd’hui l’exploration spatiale se heurte à de nouveaux défis comme le traitement des déchets dans l’Espace. La proche banlieue terrestre est constellée de fragments d’objets divers émanants des multiples missions lancées depuis les années 1960, sans parler des nombreux satellites inactifs qui sont toujours en orbite. Il en va de même pour la Lune. En 1969, Buzz Aldrin et Neil Armstrong, pour pouvoir repartir, doivent alléger le LEM* et en laisser une grosse partie sur place. Les commentateurs de l’époque ont comparé cela « à un mauvais pique-nique »3 Une centaine de tonnes d’objets artificiels jonchent le sol de notre satellite (étages de modules lunaires, instruments scientifiques, rovers, une plume et un marteau, une bible !…).
Alors que la Terre croule sous les déchets, il va falloir commencer à nettoyer l’espace car il en va de la sécurité des astronautes que nous y envoyons. Dans un environnement sans air ni gravité, la moindre particule est projetée à une vitesse avoisinant les 40 000 km/h, il suffit de regarder le film Gravity (Alfonso Cuaron, 2013) pour se rendre compte de la violence d’une collision entre un de ces déchets et un engin spatial. Plus encore, on comprend bien l’intérêt de faire le ménage quand l’un des satellites qui permettent de maintenir l’Internet ou la téléphonie mondiale pourrait être touché. Mais si pour certains ces déchets extra-terrestres sont un problème, pour d’autres ils deviennent une solution. Le milliardaire Jeff Bezos (Amazon, Blue Origin) « aspire à coloniser l’espace, à commencer par la Lune, pour y installer les industries les plus polluantes dans le but de préserver la planète Terre et d’en faire un jardin. »4 De quoi nous laisser pensifs…
C’est tout cela que nous pouvons découvrir du 5 au 23 novembre 2019 à la Bibliothèque Méjanes – Salle des Sciences et Techniques – dans l’exposition de photographies et de maquettes prêtées par l’Institut Pythéas d’Aix-Marseille Université intitulée « 50 ans d’exploration spatiale ».
Dès les années 1965-1966, les équipes du Laboratoire d’Astronomie Spatiale (LAS) se lancent dans la conception d’instruments permettant de très courts temps d’observation extra-atmosphérique. Le LAS devenu le Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM), installé au Technopôle de Château Gombert, est aujourd’hui l’un des laboratoires français qualifié de « spatial ». Ces instruments ont progressivement laissé la place à des instruments de plus en plus complexes, conçus et réalisés dans le cadre de collaborations internationales, embarqués sur des satellites ou des sondes interplanétaires. Cette série photographique nous offre donc un voyage au cœur de cette quête de connaissances… de la fabrication des instruments à l’obtention des messages de l’univers… La médiation de l’exposition se divise en deux grandes parties « les astres » et « les machines ». Ces images a vocation scientifique ne sont pas dénuées de poésie pour autant, elles montrent la solitude de l’homme dans l’espace ainsi que sa fragilité. Nous faisant nous poser cette éternelle question, « sommes-nous seuls dans l’Univers ? »
Aussi, le vendredi 22 novembre 2019, vous pourrez visiter avec vos élèves « l’Open Expo ». L’Open Expo, pendant laquelle les élèves auront l’occasion unique de découvrir les différentes pratiques de ces technologies, se consacre à la confection numérique. À la rencontre d’artistes du numérique qui produiront lors de ce workshop des œuvres liées à la thématique Space Camp, vous pourrez voir comment la technique se met au service des œuvres d’art. Nous souhaitons ainsi souligner la place occupée par les fablabs et autres lieux-laboratoires de l’expérimentation numérique dans le soutien, l’accompagnement et développement de projets artistiques numériques influencés par la grande thématique des « 50 ans d’exploration spatiale ». Parce que la thématique s’illustre dans ces espaces de démocratisation de la technologie et parce que le sujet n’est pas réservé aux scientifiques et aux entreprises technologiques, comment la communauté des makers s’est emparée du sujet ? Quelles formes d’expertise, d’accompagnement et outils retrouve-t-on dans ces tiers-lieux ? Quels sont les projets artistiques numériques émergent de ces espaces ? Qui sont ces artistes-makers qui nous invitent à plonger à leur manière, dans 50 années de conquête spatiale et les utopies créatrices qu’elles ont alimentées ? Cette Open expo sera organisée conjointement à la journée « Open Bidouille Camp » et continuera donc de tirer ce fil. Orientées sur les explorations arts/ sciences et inspirées par des expériences collectives, les trois journées dédiées à la fabrication et à la médiation numérique regrouperont une cinquantaines d’acteurs. Pour une découverte riche et variée par la démonstration et les pratiques : son, images, web, data, interactivité et cultures scientifiques. «On parle aujourd’hui de l’éventualité de partir sur Mars, mais qu’avons-nous appris du voyage sur la Lune… ? »5.
1 – Pascal Descamps, « Une histoire d’observation », Beaux Arts éditions La Lune Du voyage réel aux voyages imaginaires (mars 2019)
2 – Charles-Antoine de Rouvre, « Apollo 11 : retour vers la Lune »
3 – Charles-Antoine de Rouvre
4 – Pierre-Yves Bocquet, « Et demain? Retourner sur la Lune… Pour mieux viser Mars », Science et Vie Hors série «La Lune et au-delà…», no 287 (juillet 2019)
5 – Ronny Chester, « Moonwalk One de Theo Kamecke (1970) – Analyse et critique du film – DVDClassik »